Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pākistān (suite)

L’économie

En 1969-70, le revenu individuel moyen était estimé à 542 roupies pakistanaises (114 dollars d’après la parité de cette époque, mais seulement 49 dollars après la dévaluation de la roupie en 1972) : chiffre discutable, certes, mais qui traduit la grande pauvreté du Pākistān.


L’agriculture

On ne doit pas oublier la diversité de ce vaste territoire, dans lequel coexistent des types de mise en valeur très contrastés. Les vallées himalayennes permettent la vie de nombreuses oasis, favorisées par les crues d’été des torrents. À côté des cultures méditerranéennes d’hiver (blé, orge), les cultures d’été (riz, maïs, canne à sucre, agrumes) tiennent une grande place, s’élevant plus ou moins selon les conditions offertes par l’étagement des climats. Le monde de la bordure iranienne est différent : des oasis aussi, qui forment des rubans verdoyants au fond des vallées, mais qui ont de l’eau surtout en hiver, de sorte que les cultures essentielles sont des cultures d’hiver (blé, orge) et des arbres fruitiers (abricotiers, pêchers). En outre, tout ce domaine montagnard est animé par un élevage pastoral, dont on rencontre souvent les troupeaux transhumants. En effet, ces régions, depuis le Baloutchistan jusqu’au Cachemire, ont un climat à tendance méditerranéenne, à sécheresse d’été et pluies d’hiver. Ces conditions incitent les tribus pastorales, comme dans tout le Moyen-Orient à pratiquer une transhumance ascendante en été pour utiliser les alpages en haute altitude. Le monde montagnard reste donc le domaine des économies de type traditionnel.

Il n’en est pas de même des plaines de l’Indus, où l’économie reste, certes, attachée à bien des formes traditionnelles d’agriculture et d’artisanat en raison de la faible instruction du peuple et de l’arriération technique, mais où l’impact de la vie moderne est considérable. Le Pendjab et le Sind disposent, en effet, de très abondantes ressources hydrauliques, non seulement dans l’Indus et ses affluents, mais dans l’inféroflux des cours d’eau. Depuis la fin du xixe s., les Britanniques ont développé un système de canaux de dérivation permettant d’irriguer les fonds de vallées et une partie des interfluves. Ce réseau est branché sur des barrages-réservoirs (qui produisent en même temps de l’électricité), notamment les barrages de Sukkur et de Ghulam Mohammed sur l’Indus, de Rasūl et de Mangla sur la Jhelam (ce dernier est un des plus grands barrages du monde). Un accord intervenu entre l’Inde et le Pākistān a réservé à celui-ci les eaux de l’Indus, de la Jhelam et de la Chenāb, tandis que l’Inde dispose des eaux de la Rāvī, de la Biās et de la Satlej. Irriguant de 11 à 12 millions d’hectares au Pākistān, ce système fait vivre la plus vaste oasis du monde. Son développement s’est poursuivi depuis 1960 par la multiplication des puits avec pompes mécaniques.

L’agriculture est pratiquée selon le rythme caractéristique de l’Inde du Nord : cultures d’été, dites kharīf, et cultures d’hiver, dite rabi. Traditionnellement, les cultures d’été étaient peu développées dans les plaines de l’Indus, parce que les pluies de la mousson y sont très indigentes. Mais le développement de l’irrigation leur a donné une grande extension dans le Sind, particulièrement pour le riz, dont la culture peut tirer parti des nouvelles variétés lancées par la « révolution verte ». Le maïs, qui exige une irrigation, est produit surtout dans la zone de piémont, notamment dans les bassins de Peshāwar ainsi que dans les aires irriguées du Pendjab. Les millets sont réservés aux aires non irriguées, dans les doāb : ce sont surtout le juār, ou jowar (Sorghum), et le petit mil, ou bājrā (Pennisetum typhoides). À ces cultures vivrières s’ajoutent d’importantes cultures commerciales d’été : le coton, qui trouve dans les pays de l’Indus des conditions de climat et d’irrigation assez proches de celles de l’Égypte ; la canne à sucre, qui est récoltée en été, mais qui souffre de la fraîcheur de l’hiver, car elle occupe la terre pendant un an. Cependant, les traditions agricoles et alimentaires ont conservé la prééminence aux cultures d’hiver : blé, orge, pois, oléagineux. Le blé domine, mais on lui substitue l’orge dans des conditions moins favorables. Très souvent, il ne dépend que des pluies d’hiver, comme c’est le cas dans le bassin de Peshāwar et sur le plateau de Potwar. Mais, de plus en plus, au Pendjab il est irrigué (actuellement pour les deux tiers). À cette agriculture est associé un élevage de type indien : bœufs et buffles pour le travail, vaches et bufflesses, à faible rendement, pour le lait. La forte densité de cet élevage (approximativement une tête de bétail pour 3 habitants) révèle une surcharge de bovins, qui s’explique par leur faible rendement et par la structure microfondiaire des exploitations, de telle sorte qu’il y a un déficit en production de lait et en travail animal. Le Pākistān élève en outre quelque 450 000 chameaux, 600 000 moutons, 6 millions de chèvres, 500 000 chevaux, mais l’élevage du porc est absent pour des motifs religieux.

À partir du second plan quinquennal (1960-1965), l’agriculture s’est remarquablement développée, et l’introduction des nouvelles variétés de blé et de riz fait espérer que le pays pourrait se suffire à lui-même pour la production alimentaire et même devenir exportateur de céréales avant 1980. Mais cela ne signifie nullement que le Pākistān aurait réalisé un état de saturation alimentaire. D’autre part, le coton n’a pas progressé autant que les céréales, en raison du manque de connaissances agronomiques et de la déficience de la lutte contre les maladies et les parasites de cette plante. D’une manière générale, le progrès agricole est freiné par le faible niveau d’instruction de la paysannerie et par le manque de capitaux, car la « révolution verte » n’est réalisable que dans des conditions de technologie élevée et avec de gros investissements. Les structures agraires sont peu favorables à ce progrès : sur 5 millions de familles de propriétaires, un tiers possède moins de 1 ha ; en outre, un grand nombre de paysans, dépourvus de terre, doivent s’employer comme métayers ou journaliers. Cependant, 14 000 propriétaires de plus de 60 ha détiennent 60 p. 100 du sol cultivé. Enfin, l’irrigation elle-même a son revers, car elle entraîne la stagnation de l’eau et la salinisation des sols : élevant le niveau de la nappe phréatique, elle provoque la formation de lacs peu profonds et le dépôt de couches de sel à la surface du sol, de sorte qu’une partie des terres irriguées est stérilisée. Le Pākistān est donc loin de tirer le meilleur parti de ces terres conquises et de l’eau à bon marché qui vient de l’Himālaya.