Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pākistān (suite)

À côté de cette masse relativement homogène, des populations de caractère différent occupent les aires montagneuses. Dans l’Himālaya, les Baltis parlent un dialecte tibétain, les Dārdis des dialectes dardiques, composites, à affinités iraniennes et sanskrites, les Hunzas un idiome isolé, le bourouchaski, qui ne se rattache à aucune famille linguistique. Mais les populations de la bordure iranienne ont une importance démographique plus considérable. Les Brāhouis (environ 400 000) sont des Dravidiens très métissés avec les populations blanches, qui ont conservé un parler dravidien. Les Baloutchis (ou Balūchis, environ 1 million) ont un parler iranien. Les Pathāns (ou Pouchtous) [plus de 6 millions] sont des Afghans : étroitement apparentés aux populations qui vivent de l’autre côté de la frontière, ils s’opposent aux Pakistanais des plaines. C’est donc par ces habitants des provinces occidentales et surtout par les Pathāns de la province du Nord-Ouest que l’unité pakistanaise peut être contestée ; elle a été effectivement remise en question par l’agitation en faveur de la création d’un État autonome.

Ces différences de peuplement sont soulignées par l’originalité des genres de vie et des structures sociales. Les habitants des montagnes ont conscience d’appartenir à des groupes ethniques distincts, que l’on peut appeler dans certains cas des tribus. Ceux de la bordure iranienne ont toujours eu un caractère guerrier qui les oppose aux paisibles paysanneries de l’Inde ; on sait que la pacification de la province du Nord-Ouest a constamment posé l’un des problèmes militaires les plus ardus de l’Empire britannique. Les habitants des plaines de l’Indus sont peu différents des populations de l’Inde du Nord. En dépit de l’islamisation, ils ont conservé une structure sociale en castes professionnelles qui rappelle celle de l’Inde ; mais la hiérarchie brahmanique y est inconnue, et la séparation des castes est moins rigide. Ces traits, soulignant l’opposition du Pākistān et de l’Inde, ne doivent pas faire oublier que le Pākistān, au moins en ce qui concerne les plaines, est une partie intégrante du monde indien (le nom même de l’Inde a pour origine celui du fleuve Indus). Ils soulignent aussi les tensions qui existent à l’intérieur du Pākistān non seulement entre Pathāns, Baloutchis (Balūchis) et Pakistanais des plaines, mais entre Panjābīs et Sindhīs.


La démographie

La population a été évaluée à 33 779 000 habitants en 1951, à 42 880 000 en 1961 ; elle est actuellement de 70 millions d’habitants. Ces chiffres ne comprennent pas la population des territoires de l’Āzād Kāśmīr, que l’on peut estimer à environ 2 millions. Le taux de croissance aurait été de 2,7 p. 100 par an en moyenne dans la décennie 1951-1961, de 2,8 p. 100 dans la décennie 1961-1971. La campagne officielle pour le contrôle des naissances, entreprise au cours des années 60, n’a donc pas eu de résultats sensibles. En 1965, le taux de natalité était estimé à 49 p. 1 000 et le taux de mortalité à 18 p. 1 000. Ces conditions font peser sur l’avenir du Pākistān une lourde menace démographique.

Le freinage de la croissance démographique est rendu difficile par la jeunesse de la population, que démontre la pyramide des âges en 1960 : le groupe d’âge 0-19 ans représentait 51,4 p. 100 de la population totale, le groupe 20-39 ans 27,77 p. 100, le groupe 40-59 ans 14,44 p. 100 et le groupe 60 ans et au-dessus 6,93 p. 100. La prolifération des jeunes rend difficile leur scolarisation. En 1961, le taux général d’alphabétisation était seulement de 13,6 p. 100 (20,1 p. 100 pour les hommes et 6,1 p. 100 pour les femmes). Cependant, les effets de l’effort récent de scolarisation peuvent se mesurer par le taux d’alphabétisation des groupes d’adolescents : 26,6 p. 100 pour le groupe 15-19 ans (38,4 p. 100 chez les garçons et 13,2 p. 100 chez les filles), 28,2 p. 100 pour le groupe 10-14 ans (40,5 p. 100 chez les garçons et 23 p. 100 chez les filles).

La distribution de la population dépend essentiellement des ressources en eau et de l’irrigation : dans les régions montagneuses et dans les plaines, le peuplement est avant tout un peuplement d’oasis. Au début du xxe s., pour mettre un terme aux famines périodiques, les Britanniques ont mis en place l’infrastructure hydraulique des plaines de l’Indus et de ses affluents. Ils ont ainsi permis le développement démographique du Pākistān actuel. La distribution spatiale de la population s’est modifiée, la croissance démographique étant plus rapide dans les plaines, surtout au Pendjab, fertilisé par l’irrigation. Les densités sont très faibles (moins de 10 habitants au kilomètre carré) au Baloutchistan, au Dārdistān et au Baltistān ; mais elles dépassent généralement 100 habitants au kilomètre carré dans les plaines de l’Indus, avec des maximums de 300 environ dans certains districts du Pendjab, de plus de 400 dans le district de Lahore et de plus de 600 dans celui de Karāchi.

Le taux d’urbanisation (agglomérations supérieures à 5 000 habitants) ne s’est modifié que lentement : la croissance démographique fait peser sur la terre cultivable une surcharge croissante. En 1961, la population rurale représentait en effet 77,5 p. 100 de la population totale. Comme à l’époque de l’indépendance, l’armature urbaine repose essentiellement sur les centres administratifs du bassin de l’Indus. Mais l’industrialisation a développé les villes, sauf dans les aires montagneuses. Au Baltistān et au Dārdistān, ce sont les plus grosses oasis, Skardū et Gilgit, qui assument les fonctions administratives. Au Baloutchistan, Quetta (Kwatta, 106 000 hab.) n’est qu’une création administrative, plaquée sur un monde rural et tribal. Dans les plaines, le partage a laissé au Pākistān la capitale du Pendjab, Lahore*, qui s’est considérablement développée. Karāchi* qui n’avait que 440 000 habitants en 1941, a été la première capitale du Pākistān et l’unique port de l’Ouest ; aussi se développa-t-elle comme une ville-champignon, passant à 1 100 000 habitants en 1951 et à 1 912 000 en 1961 (2 732 000 hab. en comptant toutes les agglomérations qui constituent la conurbation). Mais, en 1959, Karāchi perdait sa fonction de capitale au bénéfice d’une ville entièrement nouvelle, Islāmābād, édifiée dans le Nord, non loin de Rāwalpindī. L’armature urbaine se complète par plusieurs centres régionaux importants : dans la zone des piémonts himalayens, Peshāwar (218 000 hab.), la plus grande ville de la région du Nord-Ouest, commandant la passe de Khaybar, et Rāwalpindī (340 000 hab.), centre militaire du Pākistān, ville industrielle et commerciale ; dans les plaines du Pendjab, Multān (358 000 hab.), vieille cité historique, important carrefour ferroviaire et ville industrielle, et Lyallpur (Lāyalpur, 425 000 hab.), grand centre commercial, ville relativement nouvelle, qui doit son développement à la création des canaux d’irrigation du Pendjab ; dans le Sind, Hyderābād (Haiderābad, 434 000 hab.), ancienne capitale du Sind, construite à 5 km du cours de l’Indus, qui a pris un nouvel essor grâce à l’irrigation de la région, associant des faubourgs industriels et résidentiels neufs à un vieux centre congestionné, et Sukkur (103 000 hab.), centre industriel, célèbre par son barrage sur l’Indus.