Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pacifique (océan) (suite)

• La marge américaine se distingue par son étroitesse et sa simplicité. Les côtes montagneuses et escarpées ont été profondément découpées par les failles et l’érosion (notamment glaciaire au nord et au sud en Alaska-Canada et dans le sud du Chili). La plate-forme est étriquée et bordée par une pente continentale très déclive et labourée par des cañons, dont la base est ennoyée par des glacis continentaux sillonnés de chenaux, notamment devant le Canada, où ils s’achèvent dans la plaine abyssale de l’Alaska. Devant la Californie, plate-forme et pente continentales sont découpées par de grands bassins ovoïdes que séparent des crêtes plates disposées parallèlement au rivage. Ce sont des fossés et des horsts taillés dans les prolongements plissés de la Californie. Lorsque les accumulations sédimentaires font défaut, au pied des pentes apparaissent de profondes fosses souvent rectilignes dont les segments les plus importants sont la fosse de l’Amérique centrale (6 662 m devant le Guatemala) et celle du Pérou-Chili, la plus longue du monde) (4 500 km), qui s’approfondit vers le sud (8 055 m au « trou Richards » devant Antofagasta) avant de disparaître sous le glacis sud-chilien. Il est encore difficile de comprendre pourquoi des sédiments provenant d’une des plus hautes montagnes du monde ne sont pas parvenus à combler ces ravins si proches d’elles, et pourquoi ils ne présentent pas de traces de déformations produites par la subduction (v. océan) de la croûte océanique sous le continent américain.


L’océan dessalé

En raison de ses dimensions, le Pacifique est l’océan où la répartition de la chaleur se rapproche le plus de la disposition zonale théorique. C’est la faiblesse de sa salure qui est le trait distinctif à l’échelle planétaire. La cuvette du Pacifique, occupée par un volume d’eau considérable (724 millions de kilomètres cubes), ne draine qu’une faible partie des terres émergées (environ un quart), fait particulièrement mis en lumière par la ligne de partage des eaux le long des Cordillères des Rocheuses et des Andes. Fréquemment, l’insularisation poussée de l’autre façade empêche la formation de grands organismes fluviaux. Lorsqu’ils existent, comme dans le cas de la massive Asie, ils ne se distinguent pas (sauf pour le Yangzi) par leur abondance. Si l’on ajoute que plus de la moitié de l’océan est soumis à des climats particulièrement évaporatoires, on serait en droit de conclure que le Pacifique est une immense masse d’eau en déficit hydrologique et de salinité supérieure à la moyenne. C’est l’inverse qui se produit grâce à l’intervention de trois séries de facteurs.

• Dans les hautes latitudes, les gouttières de basses pressions peu mobiles sont les voies de parcours de perturbations actives donnant lieu à des pluies abondantes toujours supérieures à l’évaporation (lente dans les régions froides). L’humidité atmosphérique n’est pas exportée vers l’Atlantique, car les Rocheuses et les Andes élevées la rabattent vers l’océan. Devant les côtes de l’Alaska, du Canada et du Chili méridional privées de grands fleuves s’observent des salinités anormalement basses. L’Amérique s’avançant très loin vers le sud interdit la pénétration de courants salés comme celui des Aiguilles dans l’Atlantique austral.

La dessalure est encore renforcée par l’extension des eaux d’origine polaire comme celles qui longent toute la façade nord-orientale de l’Asie. En arrivant au contact des fronts hydrologiques polaires, elles plongent pour donner naissance aux eaux intermédiaires et progressent vers l’équateur à de faibles vitesses en raison de leur salure. En dessous, les eaux proviennent de plongées effectuées en bordure du continent antarctique ou de pénétrations en provenance de l’océan Indien. Ces eaux de fond gagnent le nord selon deux itinéraires, par l’est de la Nouvelle-Zélande et le long des côtes de l’Amérique, puis reviennent vers le sud entre les méridiens 100 et 120°.

• Dans les latitudes moyennes et basses, à l’est de l’antiméridien de Greenwich, tout le dispositif océanographique est conditionné par la présence de deux grandes rotations anticycloniques. Des hautes pressions établies à la hauteur de la Californie et de l’île de Pâques divergent alizés et vents d’ouest, qui engendrent deux grands circuits hydrologiques entraînant les eaux vers l’ouest (courants nord- et sud-équatoriaux aux basses latitudes) et vers l’est (dérive des vents d’ouest aux latitudes moyennes). Le centre de ces tourbillons est occupé par les masses d’eau (dites « du nord-est » et « du sud-est Pacifique ») où se rencontre la salinité la plus forte de tout l’océan, quoiqu’elle ne dépasse pas 36,5 p. 1 000 dans l’hémisphère Sud. Par contre, sur leurs bordures orientales, les courants de Californie et du Pérou-Chili entraînent des eaux peu salées en raison de leur provenance polaire ou profonde (mouvement d’upwelling). Leurs bordures équatoriales correspondent à une ceinture de pluies intenses produites par l’active ascendance des alizés le long de la convergence intertropicale, et surtout par un important transfert de vapeur d’eau venue de l’Atlantique au-dessus de l’isthme de Panamá. D’où la tache de salinité anormalement basse rencontrée dans le Pacifique oriental sous les basses latitudes.

• Aux mêmes latitudes et à l’ouest de l’antiméridien prédomine l’influence de la mousson, c’est-à-dire le renversement saisonnier des vents qui en été soufflent vers l’Asie et en hiver vers le continent australien. L’augmentation sensible du total des précipitations (à laquelle participent les cyclones d’origine tropicale) est le facteur essentiel qui rend compte de la formation des masses d’eau dites « du sud-ouest » et « du nord-ouest Pacifique », aisément identifiables grâce à leur basse salinité.

À l’encontre de ce que l’on constate dans l’Atlantique, le Pacifique est bordé à l’ouest par des bassins de dessalure. Accélérées, déviées contre les obstacles présentés par les arcs insulaires, et inversées au gré des saisons, les eaux superficielles subissent d’importants mouvements d’expansion vers le nord et de retour vers l’est, représentés par exemple par le Kuroshio et le contre-courant équatorial, qui rediffusent vers l’est leur faible salinité.