Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

oxygène (suite)

Thérapeutique

L’oxygène est indispensable aux réactions d’oxydoréduction qui entretiennent la vie cellulaire et sont entretenues par elle, mais, seul et pur, ce gaz devient vite toxique. L’une des manifestations de cette toxicité cellulaire est la fibrose qui frappe parfois le cristallin des nouveau-nés placés dans des couveuses pendant une durée trop prolongée. On a aussi accusé l’oxygénation trop exclusive (et toujours prolongée) d’être un facteur de formation de « membranes hyalines » dans les alvéoles pulmonaires, ou de modifier la tension superficielle nécessaire à la traversée des membranes alvéolaires par l’oxygène et les autres gaz. On sait que l’oxygénation généreuse des pilotes, après un manque d’oxygène important, détermine souvent des troubles psychiques et moteurs comparables superficiellement à ceux de l’anoxie, mais réversibles.

Il n’en reste pas moins que l’oxygène reste le gaz vital par excellence, dont la privation, selon l’expression de John Scott Haldane (1860-1936), « non seulement arrête la machine, mais la détériore sans remède ». Aussi, de très nombreux et très ingénieux gestes médicaux n’ont-ils pour but que de rétablir la fourniture d’oxygène à tous les tissus de l’organisme, par les voies les plus diverses, lorsque les voies ordinaires normales sont d’une manière ou d’une autre mises hors de service. Sans entrer dans le détail des thérapeutiques qui visent à rétablir un métabolisme normal, au niveau de la cellule (hormones, vitamines, produits intermédiaires du cycle de Krebs), on donnera une idée des nombreuses techniques qui permettent d’assurer le fonctionnement de la première partie de ce métabolisme : l’hématose efficace, c’est-à-dire la captation de l’oxygène atmosphérique par les globules rouges au niveau des alvéoles pulmonaires (la deuxième partie étant le transport de l’oxygène vers les différentes parties de l’organisme par les hématies [globules rouges], et la troisième la respiration* cellulaire).

L’introduction de l’oxygène (ou de l’air) dans le poumon ne peut avoir lieu que si les voies aériennes sont libres et si les mouvements de la respiration sont correctement répétés. Dans l’alvéole, les échanges doivent être extrêmement rapides grâce à une membrane parfaitement humidifiée derrière laquelle le sang circule sans rencontrer d’obstacle majeur et permanent. L’air « vicié », fait de vapeur d’eau, d’azote, de gaz carbonique et de l’oxygène qui n’a pas franchi la membrane, doit être exhalé avec la même facilité que l’air frais inhalé.

Ce va-et-vient aérien est normalement entretenu avec une parfaite simplicité apparente par le jeu combiné des régulateurs (qui se trouvent au bulbe rachidien et à la base du cerveau) et des muscles thoraciques, au premier rang desquels le diaphragme. En cas d’asphyxie* légère sans aucun affaiblissement de ce mécanisme, la simple inhalation d’air enrichi suffit à entretenir la vie. En cas d’obstruction et quelle qu’en soit la nature, l’obstacle doit être nécessairement surmonté ou traversé, d’où les multiples sondes, tubes et canules, sans oublier la trachéotomie héroïque. En cas de paralysie respiratoire, enfin, que la cause se situe au niveau de l’encéphale ou des muscles, le premier secours vient de la ventilation artificielle, dont les modalités se multiplient sans cesse. Du ballon réservoir rempli d’oxygène et comprimé par la main du médecin, l’on est passé, il y a une trentaine d’années, au poumon d’acier, puis aux respirateurs mécaniques après un bref passage par les tentes à oxygène (v. respiration). Dans les cas extrêmes, l’oxygénation des tissus est tentée par des moyens indirects qui deviennent de plus en plus puissants : depuis l’oxygénation par des voies insolites (estomac chez les tout petits, veines, etc.) jusqu’à l’emploi d’oxygène sous forte pression (une ou deux atmosphères supplémentaires) dans les caissons « hyperbares » (où la peau elle-même, humidifiée convenablement, se laisse traverser par une quantité non négligeable du précieux oxygène).

Enfin, dans certaines circonstances où l’anoxie temporaire est inévitable (chirurgie à cœur ouvert par exemple), une partie importante est jouée par la diminution des besoins en oxygène, ce qui relève de la pharmacodynamie d’une part et d’autre part de l’hypothermie provoquée et réglable, au moyen de laquelle on suspend pour un certain temps le cours du métabolisme cellulaire. À 18 °C, l’organisme ne peut plus (et n’en a plus besoin) utiliser de l’oxygène, que les globules rouges au surplus ne peuvent plus libérer.

R. D. et J. V.

➙ Anoxie / Asphyxie / Respiration.

 B. Ekblom, Effect of Physical Training on Oxygen Transport System (Stockholm, 1969).