Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

architecture (suite)

Le logement social allemand

La politique sociale de la république de Weimar a donné pour la première fois aux architectes allemands le loisir de s’exprimer. C’est tout d’abord Otto Haesler (1880-1962), qui travaille à Celle, puis à Kassel ; ses cités-jardins, de faible densité, proposent des alignements en bande ou de petits immeubles collectifs ; la polychromie y est franchement employée, et le style, dépouillé de tout ornement, se réduit à des formes géométriques simples. Il en est de même avec Richard Döcker (né en 1894) à Stuttgart.

Avec Ernst May (1886-1970), à Francfort, la politique du logement social allemand va prendre un considérable développement : de 1924 à 1933, 15 000 logements sont édifiés.

À Berlin, l’éveil de l’art moderne sera plus long : il faudra une véritable conspiration, appuyée par la fondation du mouvement Der Ring en 1925, pour obtenir le remplacement des responsables de l’urbanisme par le jeune architecte Martin Wagner (1885-1957). Ce dernier fera appel à ses confrères pour la réalisation de programmes très ambitieux : c’est ainsi que naissent près de Berlin les cités « Hufeisen » à Britz (1925-1931), « Waldsiedlung » à Zehlendorf (1926-1931), par Bruno Taut, et surtout l’importante « Siemensstadt », commencée en 1929 avec la collaboration des plus illustres architectes berlinois : Hugo Häring, Hans Scharoun, Otto Bartning et Walter Gropius.


Le Bauhaus de Dessau

Parallèlement à cet important programme social, l’Allemagne weimarienne conserve l’initiative de l’architecture nouvelle en Europe : en 1925, le Bauhaus, chassé par une majorité de droite, quitte la capitale provisoire et vient s’installer à Dessau dans des bâtiments construits par Walter Gropius. Ceux-ci constituent le plus illustre manifeste de l’architecture nouvelle : on y trouve l’implantation libre, le balancement sculptural des masses et l’affirmation des matériaux nouveaux : ossature en béton armé, murs de verre. L’école elle-même devient le siège des mouvements les plus avancés en Europe. De tous ses étudiants, aujourd’hui célèbres, l’un des plus remarquables sera Marcel Breuer*.


Manifestations internationales

En 1927 avait lieu, sous l’impulsion du Deutscher Werkbund, l’exposition de la cité Weissenhof de Stuttgart. Le plan-masse, dessiné par Mies van der Rohe, associait des formes très diverses d’habitat individuel à quelques immeubles collectifs, en tirant parti des volumes pour mieux traiter le site. Au Weissenhof ont été construits des bâtiments de Le Corbusier, J. J. P. Oud, Mart Stam (né en 1899), Victor Bourgeois (1897-1962), Mies van der Rohe, Josef Frank, des frères Bruno et Max Taut, de Gropius, Behrens, Poelzig, Adolf Schneck, Ludwig Hilberseimer (1885-1967), Adolf Rading, Hans Scharoun et Richard Döcker. L’écho de cette entreprise fut considérable.

En 1928, l’internationalisme de l’architecture nouvelle trouvait son aboutissement dans la fondation des congrès internationaux d’architecture moderne — les C. I. A. M. —, dont le premier se tint à La Sarraz. Le congrès suivant eut lieu à Francfort, avec Ernst May, puis celui de 1930 à Bruxelles, avec Victor Bourgeois. Enfin, en 1933, eut lieu le très important congrès d’Athènes, à bord du paquebot Patris : c’est à cette occasion que fut solennellement proclamée la « charte d’Athènes ». La même période est encore marquée par deux concours internationaux, qui font valoir publiquement l’importance des artistes modernes et la portée de leurs luttes : ce sont ceux de la S. D. N. à Genève, en 1927, et du palais des Soviets à Moscou, en 1931.


Le Corbusier

L’œuvre construite de Le Corbusier, pour cette même période, peut sembler faible, au moins en volume, mais elle est l’objet d’une publicité considérable, attisée par les attaques dont il est l’objet. Dès 1925, Le Corbusier construit dans le cadre de l’Exposition des arts décoratifs à Paris le pavillon de l’« Esprit nouveau ». Deux ans plus tard, le Weissenhof est une occasion encore plus importante pour concrétiser ses théories sur l’habitat et sur l’urbanisme.

L’évolution de Le Corbusier est ensuite très rapide. Dans le domaine de l’habitation individuelle, il donne un chef-d’œuvre : la villa Savoye à Poissy (1929), magnifique objet sculptural qui offre un espace intérieur d’une ampleur jamais connue. Ici culmine l’architecture « puriste ». Parallèlement, Le Corbusier s’engage dans d’autres expériences, plus prospectives : projet du Tsentrosoïouz de Moscou, pavillon suisse de la Cité universitaire de Paris (1930-1932), refuge de l’Armée du salut (1932).


Ludwig Mies van der Rohe

La prédominance de Le Corbusier dans l’art moderne est contrebalancée par celle de Mies van der Rohe, auteur d’ouvrages non moins importants. S’éloignant de l’expressionnisme, Mies s’engage résolument dans la voie d’une architecture rationnelle, où les qualités de transparence et d’interpénétration des espaces seront fondamentales. À l’inverse du plasticisme de Le Corbusier, qui met en valeur les masses, il ne tire parti que du graphisme des arêtes et des encadrements.

Pour le Weissenhof, il construira un bâtiment à ossature d’acier et à parois mobiles permettant la transformation complète des volumes. En 1929, ce sera le pavillon de l’Allemagne à l’Exposition de Barcelone : sous un toit horizontal soutenu par des piles cruciformes en acier, des écrans verticaux, dénués de fonction porteuse, délimitent les espaces et les animent par le luxe des matières employées.


Gropius et Mendelsohn

À côté de Mies van der Rohe et de Le Corbusier, qui sont les deux « ténors » de l’art moderne dans cette période, il faut encore signaler l’activité de Gropius, auteur de logements sociaux à Dessau (1927), puis à Karlsruhe (cité « Dammerstock ») et à Berlin-Siemensstadt (1928). Gropius donne également un remarquable projet de théâtre total destiné au metteur en scène berlinois Erwin Piscator. Toujours à Berlin, Erich Mendelsohn abandonne sa première manière au profit d’un style plus sobre, plus conforme aux moyens de la technique — ainsi l’escalier de verre des Grands Magasins Schocken de Stuttgart (1927 ; détruits en 1960) et la Columbushaus de Berlin (1931).