Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

architecture (suite)

Berlin, dans les années 20, est vraiment le foyer de la pensée européenne. Ce climat est extrêmement stimulant pour les architectes et permet de comprendre la large influence de l’expressionnisme à cette époque. Le Novembergruppe réunit pourtant des personnalités nettement divergentes, comme celles de Hugo Häring, de Mies van der Rohe, de Walter Gropius ou d’Otto Bartning (1883-1959), ce dernier étant à l’origine du renouveau de l’architecture religieuse à partir de 1928.

Hugo Häring (1882-1958) est l’un des théoriciens les plus lucides du mouvement, dont il assure le secrétariat ; il sera également secrétaire du mouvement « Der Ring » à partir de 1925. L’architecture « organique », pour lui, à la différence de Wright ou de Gaudí*, n’a pas à se modeler sur les formes naturelles, elle se doit simplement d’exprimer une adéquation parfaite entre forme et fonction, d’être un « outil » accompli. C’est sous cet angle qu’il faut juger les étables modèles de la ferme de Garkau, près de Lübeck (1923).

Ludwig Mies van der Rohe* (1886-1969), vers 1920, est directement influencé par cette atmosphère de Berlin. Il a commencé sa carrière par des projets néo-classiques, comme celui du musée Kröller-Müller (1912). Après la guerre, il dessinera une série de projets vraiment révolutionnaires : en 1919 et 1920, deux projets de gratte-ciel à ossature en acier et parois entièrement vitrées. Le projet, en 1923, pour une maison de campagne en brique exprime d’une façon tout aussi nouvelle la continuité des espaces intérieurs et extérieurs, dont l’interpénétration est favorisée par des murs écrans. Mais, dans le monument à la mémoire de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg (1926), à Berlin, la seule œuvre que Mies ait effectivement construite à cette époque, la dette de son auteur à l’expressionnisme est évidente.

Enfin, il ne faut pas omettre de mentionner la fondation du Bauhaus*, qui, entre 1919 et 1925, est installé à Weimar et commence à peine, sous l’égide de Gropius*, sa révolution dans la pédagogie artistique.


Le constructivisme russe

Dans la période souvent tragique qui précède la mise en place du nouveau régime en Russie, les jeunes artistes joueront un rôle de premier plan.

Pourtant, le mouvement « constructiviste », qui anime alors l’avant-garde russe, a fort peu de conséquences architecturales. Son fondateur est Vladimir I. Tatline*, auteur du célèbre projet de tour pour la IIIe Internationale (1920). Au constructivisme se rattachent également Aleksandr Rodtchenko, Kazimir S. Malevitch*, les frères Naoum Gabo et Anton Pevsner*, qui sont des peintres ou des sculpteurs. Les seuls architectes qui prendront part au mouvement sont Lissitski*, dont on connaît les collages tels que la « tribune de Lénine » ou les projets de « piliers nuages » (avec le Néerlandais Mart Stam, 1924), et les frères Vesnine, auteurs du projet, également célèbre, d’immeuble pour la Pravda à Leningrad (1923).


« De Stijl* »

Très proche du constructivisme russe et aussi d’origine picturale est le mouvement De Stijl aux Pays-Bas. Fondé en 1917 par Theo Van Doesburg (1883-1931) et Piet Mondrian*, avec l’architecte Jacobus Johannes Pieter Oud (1890-1963), le mouvement s’est agrandi par la participation des architectes Robert Van’t Hoff et Gerrit Thomas Rietveld (1888-1964). Essentiellement esthétique, il prônait les matériaux artificiels, d’une rectilinéarité parfaite, réduisait la palette aux couleurs primaires et proscrivait toute architecture de façade.

Son activité a été considérable. À côté de l’urbaniste Cor Van Eesteren (né en 1897), il faut citer tout d’abord Rietveld, auteur, en 1924, de la maison Schröder à Utrecht, l’une des réalisations les plus marquantes du mouvement, puis, de 1931 à 1934, de maisons en série, également à Utrecht. En 1926-27, Theo Van Doesburg aménage avec Sophie Taeuber et Hans Arp* le non moins célèbre cabaret « l’Aubette » de Strasbourg (détruit). Pendant ce temps, J. J. P. Oud a une activité indépendante comme architecte : cités de Spangen (1918), Oud-Mathenesse (1922), Hoek van Holland (1924) et Kiefhoek (1925) dans l’agglomération de Rotterdam. On peut ainsi parler d’une véritable « école de Rotterdam », celle du Stijl, en opposition complète avec l’esprit des architectes d’Amsterdam.


La France

L’histoire de l’architecture en France, de 1918 à 1925, se résume en deux noms : A. Perret et Le Corbusier.

Auguste Perret*, célèbre dès avant 1914, mais profondément discuté, a été toute sa vie l’homme du béton. Il s’exprimera surtout, désormais, par des constructions utilitaires. Cependant, en 1922, une occasion exceptionnelle lui sera donnée de faire connaître son langage architectural dans une construction plus « noble » : l’église Notre-Dame du Raincy, dont l’espace intérieur, étonnamment lumineux, a engendré un demi-siècle d’architecture sacrée.

Dès les années 20, Le Corbusier* (1887-1965), dont la personnalité se compare difficilement à celle de Perret, donne la mesure de son génie dans une série d’écrits polémiques et de projets qui ont formé un véritable catéchisme de l’architecture moderne (Vers une architecture, 1923). Il construit la maison Ozenfant (1922) et la maison La Roche et Jeanneret (1924), donne les projets théoriques de la maison Citrohan (1920-1922), d’une ville contemporaine pour 3 millions d’habitants et d’immeubles-villas (1922). La pensée de Le Corbusier synthétisera les mouvements divergents, souvent rivaux, qui s’expriment simultanément à Berlin, à Moscou et aux Pays-Bas dans la même période. Elle sera à l’origine du « style international ».


Le style international

La période comprise entre 1925 et les années 1933-1936 a mérité l’appellation de style international. C’est en effet une période d’une grande cohésion non seulement en Europe, mais même aux États-Unis : l’art contemporain, sous sa forme puriste, pénètre simultanément dans tous les pays, où il est accepté et devient une mode.