Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

ouvrière (question) (suite)

Une chanson du Front populaire

Ma blonde, entends-tu dans la ville
Siffler les fabriqu’s et les trains ?
Allons au-devant de la brise,
Allons au-devant du matin.

REFRAIN :
Debout ma blonde, chantons au vent
Debout amis
Il va vers le soleil levant
Notre pays.

La joie te réveille, ma blonde
Allons nous unir à ce chœur,
Marchons vers la gloire et le monde,
Marchons au-devant du bonheur !

(REFRAIN)

Et nous saluerons la brigade,
Et nous sourirons aux amis
Mettons en commun, camarades,
Nos plans, nos travaux, nos soucis.

(REFRAIN)

Dans leur triomphante allégresse,
Les jeunes s’élancent en chantant.
Bientôt une nouvelle jeunesse
Viendra au-devant de nos rangs.

(REFRAIN)

Amis, l’univers nous envie
Nos cœurs sont plus clairs que le jour
Allons au-devant de la vie
Allons au-devant de l’amour.

(REFRAIN)

(Paroles de J. Perret)


Y a-t-il encore une question ouvrière ?


Le changement de question

Certes, on reconnaît en général qu’il demeure une question ouvrière dans des entreprises attardées : C. Peyre, dans Une société anonyme (1962), décrit une raffinerie de sucre où le travail se déroule dans des conditions dignes du xixe s. Il reste une marge de prolétaires surexploités ; les conditions où vivent et travaillent les immigrés en Europe (v. migrations), les Noirs* aux États-Unis en témoignent. Des études comme celles de Serge Mallet et de Pierre Belleville ont montré comment les différences entre le mode de vie des ouvriers et celui des autres couches tendaient à s’atténuer. « Les quartiers ouvriers disparaissent peu à peu de la banlieue rouge [...]. L’ajusteur côtoie le représentant de commerce [...]. » (S. Mallet). Dès lors, la question ouvrière quitte le terrain du paupérisme, de la consommation pour se recentrer sur la responsabilité dans le travail. Le seul point commun aux salariés est désormais, suivant Pierre Drouin, d’« exercer un rôle productif et d’être exclus de la propriété ou de la gestion des instruments de production... ». L’Église prend, elle aussi, conscience de cette nouvelle dimension de la question ouvrière : dans l’encyclique Mater et magistra, le pape Jean XXIII écrit en 1961 : « Nous estimons légitime l’aspiration des ouvriers à prendre une part active à la vie des entreprises... »

La mensualisation de la classe ouvrière après Mai 68 atteste que les gouvernants ont pris cette évolution en considération. Cependant les tentatives d’intéressement* des travailleurs aux bénéfices de l’entreprise restent actuellement sans effet important.


L’automatisation et la psychosociologie industrielle

L’introduction de l’automatisation* dans les grandes entreprises industrielles (machines-transferts dans l’automobile, programmation dans l’aéronautique, processus continus dans la fonderie...) entraîne des changements structurels et psychologiques dans la main-d’œuvre. Outre la contraction éventuelle du nombre de salariés, on constate « une véritable métamorphose du processus de travail » (P. Naville). Les effets sont contradictoires : pour une partie de la main-d’œuvre qui accède à des postes comparables à ceux de « cols blancs », une autre partie au contraire voit sa qualification réduite à néant. Certes, à longue échéance, les postes de la chaîne de montage automobile seront remplacés par des surveillants de processus continus de type aciéries, mais il faudra alors surtout des manœuvres chargeurs et déchargeurs aux deux bouts du processus.

Parallèlement, les techniques psychosociologiques d’analyse des difficultés des travailleurs et des conflits dans l’entreprise constituent-elles l’amorce d’un nouveau taylorisme qui ne vise plus à contrôler jusqu’au moindre détail le temps ouvrier, mais à s’assurer de la coopération volontaire d’un travailleur de plus en plus capable, grâce à l’automatisation, de prendre conscience de l’ensemble du processus de production ?


Conclusion

Il n’est pas d’époque où l’on n’ait annoncé la fin de la question ouvrière : après la fin de la Commune de Paris, où l’on a cru voir l’écrasement définitif de la problématique socialiste ; avant Mai 1968, quand on pouvait croire à l’extinction pacifique de la question ouvrière par l’intégration du prolétariat à la société de consommation.

Mais, en mai 68, 10 millions de grévistes (cinq fois plus qu’en 1936) occupent les usines. Le problème ouvrier reste présent sous des formes nouvelles au cœur de nos sociétés modernes.

La question n’est plus simplement celle de la répartition des bénéfices de l’entreprise, mais celle de la remise en question constante d’une société par ceux qui assurent l’essentiel de sa production.

G. H.

➙ Assurances sociales / Automatisation / Canuts (révolte des) / Capitalisme / Catholicisme social / Chartisme / Commune (la) / Communisme / Conflit collectif du travail / Coopération / Démocratie chrétienne / Entreprise / Front populaire / Industrielle (révolution) / Intéressement / Internationales (les) / Lumpenproletariat / Machinisme / Marx / Marxisme / Patrons et patronat / Révolution française de 1848 / Sécurité sociale / Socialisme / Syndicalisme / Trade-unions / Travail (droit du) / Travail (sociologie du).

 P. Laroque, les Rapports entre patrons et ouvriers, leur évolution en France depuis le xviiie s. (Aubier, 1938). / G. Duveau, la Vie ouvrière en France sous le second Empire (Gallimard, 1946). / P. Louis, la Condition ouvrière en France depuis cent ans (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1950). / G. Friedmann, Où va le travail humain ? (Gallimard, 1951). / S. Weil, la Condition ouvrière (Gallimard, 1951). / R. Dolléans, Histoire du mouvement ouvrier (A. Colin, 1953 ; 3 vol.). / A. L. Dunham, la Révolution industrielle en France, 1815-1848 (Rivière, 1953). / S. Schwarz, les Ouvriers en Union soviétique (Rivière, 1956). / R. Rezsohazy, Histoire du mouvement mutualiste chrétien en Belgique (Érasme, Anvers, 1957). / T. S. Hamerow, Restoration, Revolution, Reaction, Economics and Politics in Germany, 1815-1871 (Princeton, 1958). / C. A. Landauer, European Socialism (Berkeley, 1959 ; 2 vol.). / A. Andrieux et J. Lignon, l’Ouvrier d’aujourd’hui (Rivière, 1960 ; nouv. éd., Gonthier, 1966). / P. Naville, l’Automation et le travail humain (C. N. R. S., 1961) ; Vers l’automatisme social (Gallimard, 1963). / P. Belleville, Une nouvelle classe ouvrière (Julliard, 1963). / P. Drouin, l’Europe du Marché commun (Julliard, 1963). / R. Kaes et M. David (sous la dir. de), les Ouvriers français et la culture (Dalloz, 1963). / S. Mollet, la Nouvelle Classe ouvrière (Éd. du Seuil, 1963). / J. Maitron (sous la dir. de), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (Éd. ouvrières, 1964-1976 ; 14 vol. parus). / W. Abendroth, Sozialgeschichte der europäischen Arbeiterbewegung (Francfort, 1965 ; trad. fr. Histoire du mouvement ouvrier en Europe, Maspero, 1967). / P. Pierrard, la Vie ouvrière à Lille sous le second Empire (Bloud et Gay, 1965). / A. Touraine, la Conscience ouvrière (Éd. du Seuil, 1966). / B. Cacérès, le Mouvement ouvrier (Éd. du Seuil, 1967). / J. M. Rainville, Condition ouvrière et intégration sociale (Éd. ouvrières, 1967). / J. Bron, Histoire du mouvement ouvrier français (Éd. ouvrières, 1968-1973 ; 3 vol.). / J. H. Goldthorpe, D. Lockwood, F. Bechhofer et J. Platt, Affluent Worker : Industrial Attitudes and Behaviour (New York, 1968 ; trad. fr. l’Ouvrier de l’abondance. Éd. du Seuil, 1972). / J. Minces, Un ouvrier parle (Éd. du Seuil, 1969). / P. Gavi, les Ouvriers (Mercure de France, 1970). / G. Adam, F. Bon, J. Capdevielle et R. Moureaux, l’Ouvrier français en 1970 (A. Colin, 1971). / J. Destray, la Vie d’une famille ouvrière (Éd. du Seuil, 1971). / M. Perrot, les Ouvriers en grève, France 1871-1890 (Mouton, 1974 ; 2 vol.). / G. Roustang et coll., la Condition de l’ouvrier (A. Colin, 1975).