Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

architecture (suite)

La naissance de l’art moderne

L’art moderne en tant que tel était déjà né lorsque la Première Guerre mondiale éclata : la même année 1914 avait vu l’exposition du « Deutscher Werkbund » de Cologne et la publication des œuvres de Frank Lloyd Wright* par l’éditeur allemand Ernst Wasmuth. Un an plus tôt, c’était le Théâtre des Champs-Élysées à Paris par les frères Perret*. Au même moment paraissaient les projets du Lyonnais Tony Garnier et de l’Italien Antonio Sant’Elia.


L’Allemagne

C’est en Allemagne et surtout à Berlin, dans l’atelier de Peter Behrens (1868-1940), que se constitue le premier noyau de ce qui sera plus tard le mouvement moderne. Chez Behrens travaillent successivement Mies van der Rohe*, Gropius* et Le Corbusier*, les trois principales figures du demi-siècle.

L’activité de Behrens a été puissamment aidée par la fondation, en 1907, de l’association du Deutscher Werkbund sur l’initiative d’Hermann Muthesius (1861-1927). La réputation de l’association devait dépasser les frontières de l’Allemagne lors de la grande exposition de Cologne en 1914 : le Werkbund y démontrait le fruit de sept ans de collaboration avec l’industrie. À côté d’un théâtre construit par Henry Van de Velde (1863-1957), on trouvait l’étonnante « maison de verre » de Bruno Taut (1880-1938) et surtout le monument clé des débuts de l’art moderne : l’usine modèle réalisée à Alfeld par Walter Gropius (1883-1969) et Adolf Meyer (1881-1929). Ses escaliers de verre et d’acier, entièrement transparents, définissaient une nouvelle image de l’architecture.


Projets utopiques

L’aspect le plus intéressant de la nouvelle architecture en dehors de l’Allemagne réside dans les projets « utopiques ». En France, Tony Garnier (1869-1948) conçoit un projet de « Cité industrielle » en 1901-1904 et entreprend dès 1909 les grands travaux de la ville de Lyon. En Italie, Antonio Sant’Elia (1888-1916) exécute ses dessins pour la « Città Nuova » en 1914. Architecte futuriste, il offre une image réellement visionnaire de la ville, dominée par l’enchevêtrement des axes de circulation.


Frank Lloyd Wright

Enfin, il faut rattacher à ces divers mouvements l’œuvre de Frank Lloyd Wright (1869-1959), dont les édifices les plus marquants, hors les « maisons de la prairie », sont, pour cette période, le Larkin Office Building de Buffalo (1904 ; détruit en 1950) et l’église unitarienne d’Oak Park (Illinois) [1906]. La publication de Wasmuth les diffusera dans toute l’Europe.


Les années 20

L’effondrement des trois grands empires européens — l’Allemagne, l’Autriche et la Russie — libère un mouvement retenu jusqu’alors par le caractère contraignant de l’art officiel. Les expériences les plus audacieuses verront le jour dans ce grand moment de trouble et de révolte.


L’expressionnisme* allemand

À Berlin, en particulier, se développe un courant « expressionniste » dont les personnalités les plus remarquables, avec Erich Mendelsohn (1887-1953), seront Hans Scharoun*, Wassili Luckhardt (né en 1889), Hermann Finsterlin (né en 1887) ou Bruno Taut.

Erich Mendelsohn édifie en 1920 la tour-observatoire d’Einstein à Potsdam, dont les courbes enveloppantes se résolvent sur un dôme hémisphérique. L’année suivante, il achève la fabrique de chapeaux de Luckenwalde, reposant sur la maîtrise des obliques. Mais c’est surtout dans ses dessins qu’il a montré la maturité de son talent, trop étroitement contenu par les techniques à sa portée. La même tendance utopique se retrouve dans les dessins de Hans Scharoun, des frères Wassili et Hans Luckhardt ou de Bruno Taut.

Tous ces architectes se retrouvent, entre 1918 et 1920, dans une association artistique et politique, le « Novembergruppe », dont les intérêts s’orientent surtout vers une transformation de l’enseignement de l’architecture en relation avec la transformation socialiste des programmes de construction.


Tendances divergentes dans l’expressionnisme

D’autres tendances moins révolutionnaires sont contenues dans l’expressionnisme. Il y a d’une part l’œuvre d’architectes déjà célèbres avant 1914, comme Behrens ou Hans Poelzig (1869-1936), et d’autre part deux mouvements à rayonnement local : celui de Hambourg et celui d’Amsterdam.

L’école de Hambourg, représentée par Fritz Höger (1877-1949) et les frères Hans et Oscar Gerson, est bien moins intéressante que les mouvements, même utopiques, de Berlin. On y retrouve les formes agressives, les colorations dramatiques — la brique —, mais combinées avec un goût évident pour le folklorisme allemand — voire même avec des détails éclectiques, égyptiens ou art nouveau, comme dans la Chilehaus (1922-23).

L’école d’Amsterdam, par contre, s’est toujours déclarée héritière de Hendrik Berlage (1856-1934), l’architecte de la Bourse d’Amsterdam (1897 et suiv.) — au même titre que le mouvement opposé « De Stijl* ». La plupart des œuvres importantes du mouvement sont réunies dans la banlieue d’Amsterdam-Sud : De Dageraad (1920-1922), Eigen Haard (1921), par Michel de Klerk (1884-1923) ; pour la même zone était prévu l’intéressant projet de théâtre populaire (1921) de Hendricus Theodorus Wijdeveld. À l’école d’Amsterdam se rattachent encore Pieter Lodewijk Kramer (magasin De Bijenkorf à La Haye, 1926) et Joan Melchior Van der Mey — élèves, comme Michel de Klerk, de l’éclectique P. J. H. Cuypers (1827-1921). Le groupe était uni par la publication de la revue Wendigen, où était présentée l’œuvre de leurs collègues étrangers (notamment Wright, Finsterlin, Mendelsohn).

Il n’est pas vain, pour conclure le panorama de l’expressionnisme, d’y introduire un courant de pensée mystique : la théosophie de Rudolf Steiner (1861-1925), dont le « Goetheanum » de Dornach (1925-1928) est une œuvre typiquement expressionniste.


Les autres mouvements en Allemagne