Ougarit (suite)
Au bronze récent (xvie-xiie s.), les rois d’Ougarit subissent la prédominance des pharaons (xve-xive s.), puis des rois hittites (xive-xiie s.). Mais c’est seulement la période postérieure au séisme de la première moitié du xive s. qui a livré des tablettes, provenant des deux palais (Grand Palais, Palais Sud), des deux grands temples et des maisons riches. Le nombre et l’intérêt de leurs textes sont exceptionnels. Si on y ajoute les sceaux, on constate que l’on écrit à Ougarit, aux xiv et xiiie s., huit langues différentes : l’ougaritique, le hourrite, le sumérien et le babylonien, l’égyptien, le hittite, le « hittite hiéroglyphique », le chypriote ; et encore la petite colonie mycénienne qui réside dans la cité n’écrit pas sa langue. Ces textes n’emploient pas moins de cinq systèmes d’écriture : les cunéiformes, les hiéroglyphes égyptiens, les hiéroglyphes hittites, le syllabaire chypriote et l’alphabet ougaritique.
Ce dernier, qui transcrit de l’ougaritique et du hourrite, est une invention des scribes locaux, qui, écrivant uniquement les consonnes, se servent de signes d’allure cunéiforme forgés par eux. Les spécialistes, qui ont trouvé dans cette ville une foule de documents historiques, économiques ou inspirés par la culture mésopotamienne, attachent encore plus de prix aux textes en langue ougaritique, qui conservent les mythes des Sémites de la région et révèlent un panthéon apparenté à celui des Cananéens de la Bible et des Phéniciens.
Ougarit est une cité cosmopolite qui attire les marchands de la Méditerranée orientale et du Proche-Orient et subit pleinement l’influence de la culture du pays des Deux Fleuves et de l’art égyptien, lequel inspire les chefs-d’œuvre de ses orfèvres et de ses ivoiriers. Mais le gros de sa population reste dominé par le vieux fonds des rites et des croyances sémitiques lié au cadre naturel de ce littoral montagneux menacé par la sécheresse.
Les richesses accumulées par ces citadins et surtout par leurs rois vont disparaître d’un seul coup. Ougarit finit dans un incendie, très probablement lors du passage des Peuples de la mer en route vers le delta du Nil (v. 1191).
Si la ville n’a jamais été relevée, la situation de son port sur la côte syrienne attire les marchands au Ier millénaire av. J.-C. ; les Grecs le connaissent sous le nom de Leukos Limen (vie-ive s. av. J.-C.). Puis c’est l’abandon jusqu’à la découverte fortuite par les indigènes, en 1928, d’un caveau à Minet el-Beida, le site du port d’Ougarit.
G. L.
➙ Syrie.
C. F. A. Schaeffer, Ugaritica (Geuthner, 1939-1962 ; 4 vol.). / R. Largement, la Naissance de l’aurore (Duculot, Gembloux, 1949). / C. H. Gordon, Ugaritic Manual (Rome, 1955). / A. Herdner. Corpus des tablettes en cunéiformes alphabétiques découvertes à Ras Shamra-Ugarit, de 1929 à 1939 (Geuthner, 1964).