Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Ougarit (suite)

Au bronze récent (xvie-xiie s.), les rois d’Ougarit subissent la prédominance des pharaons (xve-xive s.), puis des rois hittites (xive-xiie s.). Mais c’est seulement la période postérieure au séisme de la première moitié du xive s. qui a livré des tablettes, provenant des deux palais (Grand Palais, Palais Sud), des deux grands temples et des maisons riches. Le nombre et l’intérêt de leurs textes sont exceptionnels. Si on y ajoute les sceaux, on constate que l’on écrit à Ougarit, aux xiv et xiiie s., huit langues différentes : l’ougaritique, le hourrite, le sumérien et le babylonien, l’égyptien, le hittite, le « hittite hiéroglyphique », le chypriote ; et encore la petite colonie mycénienne qui réside dans la cité n’écrit pas sa langue. Ces textes n’emploient pas moins de cinq systèmes d’écriture : les cunéiformes, les hiéroglyphes égyptiens, les hiéroglyphes hittites, le syllabaire chypriote et l’alphabet ougaritique.

Ce dernier, qui transcrit de l’ougaritique et du hourrite, est une invention des scribes locaux, qui, écrivant uniquement les consonnes, se servent de signes d’allure cunéiforme forgés par eux. Les spécialistes, qui ont trouvé dans cette ville une foule de documents historiques, économiques ou inspirés par la culture mésopotamienne, attachent encore plus de prix aux textes en langue ougaritique, qui conservent les mythes des Sémites de la région et révèlent un panthéon apparenté à celui des Cananéens de la Bible et des Phéniciens.

Ougarit est une cité cosmopolite qui attire les marchands de la Méditerranée orientale et du Proche-Orient et subit pleinement l’influence de la culture du pays des Deux Fleuves et de l’art égyptien, lequel inspire les chefs-d’œuvre de ses orfèvres et de ses ivoiriers. Mais le gros de sa population reste dominé par le vieux fonds des rites et des croyances sémitiques lié au cadre naturel de ce littoral montagneux menacé par la sécheresse.

Les richesses accumulées par ces citadins et surtout par leurs rois vont disparaître d’un seul coup. Ougarit finit dans un incendie, très probablement lors du passage des Peuples de la mer en route vers le delta du Nil (v. 1191).

Si la ville n’a jamais été relevée, la situation de son port sur la côte syrienne attire les marchands au Ier millénaire av. J.-C. ; les Grecs le connaissent sous le nom de Leukos Limen (vie-ive s. av. J.-C.). Puis c’est l’abandon jusqu’à la découverte fortuite par les indigènes, en 1928, d’un caveau à Minet el-Beida, le site du port d’Ougarit.

G. L.

➙ Syrie.

 C. F. A. Schaeffer, Ugaritica (Geuthner, 1939-1962 ; 4 vol.). / R. Largement, la Naissance de l’aurore (Duculot, Gembloux, 1949). / C. H. Gordon, Ugaritic Manual (Rome, 1955). / A. Herdner. Corpus des tablettes en cunéiformes alphabétiques découvertes à Ras Shamra-Ugarit, de 1929 à 1939 (Geuthner, 1964).

Ouolofs ou Wolofs

Ethnie du Sénégal et de la Gambie. Cette ethnie, la plus nombreuse du Sénégal (environ 750 000 personnes), occupe surtout le centre et le nord de ce pays.


Les Ouolofs sont entourés par les Toucouleurs (sur le fleuve) et les Sérères au sud (dans le Siné et le Saloum). Ils habitent une zone sans aucun relief, au sol sablonneux et à la végétation très clairsemée qui connaît un climat sahélien avec deux saisons très marquées (les pluies tombent entre juin et octobre).

Les Ouolofs ont été organisés à partir du xvie s. en un ensemble de royaumes assez semblables (Oualo, Cayor, Baol et Dyolof) ; souvent en guerre les uns contre les autres, ces royaumes disparurent sous la pression de la conquête militaire française, vers la fin du xixe s. La colonisation a fortement contribué au développement d’une culture commerciale de l’arachide, plante qui convenait tout à fait aux sols difficiles de cette région. Cette conjoncture historique a donc provoqué une crise sociale qui a favorisé le développement d’un islām de masse. En effet, bien qu’en contact depuis des siècles avec l’islām (Almoravides, Toucouleurs), les royaumes ouolofs ne s’étaient pas véritablement islamisés. La destruction des cadres politiques traditionnels a donc produit une réorganisation sociale et idéologique dans le cadre de l’islām sénégalais et particulièrement ouolof : confréries tidjane, qadriya, mouride.

Cette histoire a profondément transformé les traits traditionnels ouolofs au point qu’il est parfois difficile de savoir exactement quelles étaient les caractéristiques de certaines institutions anciennes. La parenté se définit bilatéralement à la fois par la famille patrilinéaire (guényo) et sa famille matrilinéaire (mene) : la prédominance de cette dernière tend pourtant à disparaître sous l’influence de l’islām. L’originalité de la société ouolof réside dans son organisation en ordres et castes, organisation qui fonctionne encore aujourd’hui du moins au niveau idéologique. Il y avait d’abord les geer, divisés en familles princières (garmi), en nobles (diambour) et en paysans (badolo). Ces distinctions n’existent plus aujourd’hui. Ensuite, il y a le groupe des gens de castes (nyeenyo), qui sont endogames et correspondent à des spécialisations artisanales : forgerons (teug), tisserands (rab), travailleurs du bois (laobé) et du cuir (uudé), griots (gueveul). Il faut noter toutefois que les laobés ne sont pas d’origine ouolof. Enfin, dernière catégorie, celle des escalves (diam), produit de la guerre ou de l’achat.

Le développement de l’islām confrérique a superposé de nouvelles relations sociales à celles-ci. En effet, l’encadrement maraboutique remplace les anciennes structures politiques : les migrations vers les terres neuves du Baol et du Ferlo sont dirigées et prises en charge par les marabouts. Le lien entre le fidèle (taalibe) et son marabout est personnel. Ce dernier assume toutes les fonctions sociales et politiques traditionnelles. Le lien entre le fidèle et son marabout est sanctionné par des dons en nature ou des journées de travail sur ses champs. Ces particularités définissent surtout la confrérie mouride. C’est pourquoi il est très difficile de dissocier les formes sociales propres à cette islamisation et le fond ouolof. Mais, dans la mesure où l’allégeance religieuse transcende les anciens rapports sociaux ou les anciens lieux de résidence, ce mouvement de population a provoqué un très grand brassage culturel : la religion animiste survit dans certaines croyances aux esprits et dans certaines pratiques de sorcellerie ou de guérison.