Environnement (suite)
L impact de l'environnement sur l'économie ne se traduit pas seulement par la création de nouveaux marchés ou d'obstacles à la croissance. Il transforme aussi les structures industrielles, comme le montre le cas du secteur énergétique. Les barrages hydroélectriques, parce qu'ils détruisent les milieux naturels, sont de plus en plus difficiles à implanter. Le nucléaire ne se relève pas du choc de Tchernobyl –l'explosion de cette centrale soviétique, en 1986, reste le plus grave accident du nucléaire civil – et a du mal à convaincre que les déchets radioactifs ne posent pas une hypothèque sur les générations futures. Le charbon existe en quantité considérable (près de 300 ans de consommation), mais sa combustion, outre l'émission de gaz polluants, produit du CO2 (gaz carbonique), l'agent le plus important de l'accroissement de l'effet de serre. La pression écologiste entraîne donc un changement des poids relatifs des sources énergétiques, en faveur du gaz (qui génère moins de CO2 que le charbon ou le pétrole), du développement de techniques nouvelles (centrales à cycle combiné, récupération de pétrole assistée, gazéification du charbon) et des énergies « naturelles » (bois, soleil, vent, vagues, alcool végétal).
L'irréversibilité des choix va à l'encontre d'une analyse économique classique
La démarche de valorisation monétaire de l'environnement est cependant critiquée : pour l'économiste René Passet, cela revient en effet à soumettre aux lois de la sphère économique l'ensemble de la biosphère. D'autre part, la monétarisation de l'environnement se heurte à la notion d'irréversibilité : les techniques de monétarisation expriment les préférences des individus d'aujourd'hui, mais rien ne dit que les générations futures les fixeront au même niveau. Or, les actions humaines peuvent perturber l'écosystème de manière irréparable (ainsi la disparition de la forêt primaire) ou porter conséquence dans un temps qui échappe aux périodes habituelles du calcul économique (l'effet de serre). L'irréversibilité des choix humains acquiert un poids nouveau dès lors que, de plus en plus, les économistes réfléchissent en termes d'équilibre entre générations, le calcul économique devant non seulement satisfaire la rationalité des agents d'au- jourd'hui, mais aussi celle de ceux de demain. D'où il découle, aux yeux de beaucoup, que la notion de rationalité économique doit être refondue.
Cette critique n'a cependant pas encore abouti à la construction d'un modèle de référence aussi cohérent que celui de la théorie néoclassique. Et les défenseurs de la valorisation de l'environnement parlent au nom de l'efficacité : elle est, à court terme, le meilleur moyen de peser sur les décideurs économiques.
H. K.
➙ Énergie, matière première, L'environnement, une nouvelle dimension de l'économie mondiale ?