Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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FMI (fonds monétaire international) (suite)

De l'ère des changes fixes à celle des changes flottants

Le rôle du FMI a considérablement changé lorsque le système de change de Bretton Woods a été abandonné, c'est-à-dire lorsque des taux de change flottants ont remplacé les taux fixes vis-à-vis du dollar. Les membres doivent depuis informer le Fonds du régime de change qu'ils ont choisi. Sous l'appellation « surveillance », le FMI étudie l'économie du pays en question (il effectue des « consulta-tions », généralement annuelles) et constate si le régime de change est adapté ou non.

S'il le souhaite, un pays membre peut emprunter rapidement 25 % de sa quote-part, et doit ensuite rembourser le Fonds au plus vite. Mais si ses problèmes de balance des paiements ne s'arrangent pas, le pays peut alors négocier avec le Fonds un accord de confirmation (ou accord stand-by), grâce auquel le FMI verse de l'argent pendant dix-huit mois, ou encore une facilité élargie (Extended Fund Facility), qui dure généralement trois ans.

Ces possibilités sont largement utilisées depuis le démarrage de la crise de la dette, au début des années 1980. Mais les pays membres doivent se soumettre à la « conditionalité » des crédits du FMI, c'est-à-dire que leur politique est surveillée de près. D'où les protestations parfois véhémentes de la population locale, qui critique les contraintes de l'ajustement structurel (compressions massives des effectifs, réduction de la demande globale, etc.).

Un pays membre peut également utiliser d'autres formes de crédit créées au fil des ans, comme le « financement compensatoire », qui permet de faire face à une chute soudaine des exportations (par exemple si la récolte de café a été complètement détruite en Colombie).

Le FMI peut sembler riche, grâce aux contributions de tous ses pays membres.

Mais, d'une part, l'ampleur des dernières crises financières montre que les sommes à débloquer peuvent être considérables (25 milliards de dollars pour le Mexique début 1995), et, d'autre part, une large fraction du capital est quasiment inutilisable internationalement, car chaque pays peut verser jusqu'à 75 % de sa quote-part dans sa monnaie nationale. Haïti paie donc au FMI avec sa monnaie, la gourde, mais qui accepterait un prêt libellé en gourdes ? Le FMI a donc ressenti le besoin, en 1962, de créer un nouveau fonds financier, appelé accords généraux d'emprunt (AGE), qui lui permet d'emprunter à un ensemble de banques et de gouvernements des sommes qu'il rembourse lui-même. Le capital des AGE a été doublé en 1997. Les prêts les plus importants accordés par le FMI dans ses cinquante ans d'existence ont concerné d'abord la Grande-Bretagne (du- rement éprouvée par la Seconde Guerre mondiale), les pays du tiers-monde touchés par la crise de la dette, puis, à l'approche du xxie siècle, le Mexique (1995), l'Indonésie (1997), la Russie (environ 20 milliards depuis 1996), la Corée du Sud (1997), le Brésil (1998). Le FMI supervise actuellement des programmes souscrits par plus de 90 pays, un record.

Une relation passionnelle avec la Russie

Depuis l'admission de la Russie au Fonds, en 1992, pratiquement tous les pays du monde sont représentés au FMI. En Russie, le Fonds a pu affiner sa pratique de l'ajustement structurel. Il a mis en œuvre des crédits considérables (20 milliards de dollars au total) mais n'a pu stopper les perversions du capitalisme : développement des mafias locales, enrichis-sement des « barons » du régime (anciens communistes et nouveaux riches), criminalité économique... La connaissance du FMI sur la transition du socialisme au capitalisme est malgré tout récente (le mur de Berlin s'est écroulé en novembre 1989), et la corruption en Russie a atteint des niveaux jugés jusque-là impensables. En outre, jamais la contradiction entre une aide « technique » (aide à la balance des paiements...) et un soutien politique n'avait été aussi visible. Ainsi, en mai 1996, lorsque l'on reprochait au FMI d'avoir accordé un nouveau prêt à la Russie juste avant la tenue des élections présidentielles, donc d'apporter un soutien explicite au président Eltsine, Michel Cam-dessus répondait qu'on lui aurait reproché encore davantage de ne pas aider la Russie à un moment aussi crucial (risque de retour des communistes).

À l'été 1999, il a été révélé officiellement que la Russie détournait – entre autres – l'aide du FMI au profit de la famille Eltsine et de quelques « amis ». Les crédits ont été retrouvés en Suisse ou dans des paradis fiscaux antillais. L'affaire a fait éclater la contradiction au grand jour, et a précipité la réflexion sur la réforme du FMI. À court terme, l'argent du Fonds n'est plus alloué à la Banque centrale de Russie, mais transféré sur d'autres comptes du FMI.

Au fil des années et des péripéties monétaires mondiales, le FMI a été jugé beaucoup plus comme un prêteur en dernier ressort que comme un coordinateur du système monétaire international. D'ailleurs, les DTS (droits de tirage spéciaux), embryon de monnaie internationale créé par le FMI dans les années 1960, sont très peu utilisés, même dans les relations entre le FMI et ses membres. Le DTS est un panier composé des cinq principales monnaies du monde (dollar, livre sterling, franc français, deutschemark, yen) : de fait, il n'est pas considéré comme un étalon monétaire, est rarement utilisé dans les réserves de change et n'existe, bien sûr, que sous forme scripturale.

La nouvelle architecture

Des expressions d'architecture sont souvent employées en matière monétaire. On parle d'un SMI droit « comme un jardin à la française », ou bien simplement de « nouvelle architecture », au cœur de laquelle se trouve le FMI. Depuis 1971 et la disparition du système de Bretton Woods, la réflexion sur un nouveau SMI, sur des taux de change fixes ou flexibles, a peu progressé. En revanche, aux alentours du xxie siècle, les crises financières du monde émergent se sont multipliées, tandis que la mondialisation progresse. Ces crises sont nettement plus coûteuses que par le passé : lorsqu'un pays épuise toutes ses réserves de change pour tenter de défendre le cours de sa monnaie, attaquée par les spéculateurs, le coût se chiffre souvent en milliards de dollars.