Larousse agricole 2002Éd. 2002
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prairie (suite)

Exploitation des prairies.

La qualité d'une prairie dépend de sa composition floristique, qui détermine son adaptation aux caractéristiques du milieu et sa pérennité. Celle-ci est rendue possible par l'accumulation de réserves (dans le bas des tiges et/ou les racines pivotantes) qui permet le redémarrage de la croissance après une coupe (le regain). À l'échelle de l'année culturale, la hiérarchie des facteurs d'origine climatique qui limitent la production - continue mais irrégulière - de matière sèche évolue : en hiver et au début de printemps, ce sont les températures trop basses qui limitent la croissance de l'herbe, puis c'est le rayonnement disponible ; c'est ensuite le déficit hydrique et parfois des températures excessives en été qui sont responsables du creux estival ; enfin, en automne, ce sont le rayonnement et la température qui deviennent à nouveau limitants. L'azote disponible est également un facteur important de variation de la production. Enfin, mais dans une moindre mesure, la production de matière sèche peut être affectée par d'autres facteurs : effets des exploitations successives (fauches ou pâtures), infestations de parasites L'une des difficultés de la conduite des prairies est de maîtriser cette productivité variable au cours du temps pour satisfaire les besoins du troupeau qui, eux, sont beaucoup moins fluctuants. L'éleveur y parvient en gérant, à l'échelle de l'ensemble du système fourrager, les différentes sources de fourrages, ou, à l'échelle de la parcelle, les dates d'implantation des prairies assolées, la fertilisation, le rythme des coupes ou de pâturage.

L'exploitation des prairies peut être directe par l'animal sur la parcelle par pâturage (on parle de « déprimage » quand la pâture a lieu sur graminées dès le printemps), ou par coupe (très majoritaire en légumineuses) avec des destinations diverses : zéro-pâturage (quand le fourrage est transporté jusqu'à l'animal pour être consommé sans stockage), ensilage, foin et, depuis quelques années, enrubannage : le fourrage est coupé mais non haché, puis récolté en grosses balles mi-fanées, isolées de l'air à l'aide d'un film étirable et collant qui comprime fortement le fourrage ; le mode de conservation est celui de l'ensilage (fermentations anaérobies), et la chaîne de récolte, celle de la fenaison. Très souvent, on effectue plusieurs exploitations successives par an sur la même parcelle : par exemple un ensilage, suivi d'une fenaison et de deux pâtures à l'automne, ou plusieurs passages de pâtures. Le nombre et le rythme des passages dépendent des besoins de l'éleveur, mais aussi de l'état de la pâture.

La valeur alimentaire des différentes espèces botaniques qui composent une prairie est très variable, mais, d'une manière générale, elle diminue avec le temps, en raison de la diminution du rapport entre les feuilles et les tiges (qui détermine la valeur énergétique du fourrage) et de la diminution de la teneur en azote quand la matière sèche augmente (dépréciation de la valeur azotée).

Les prairies, surtout si elles sont de longue durée, sont considérées comme de bons précédents pour la majorité des grandes cultures. Toutefois, elles sont susceptibles d'augmenter les populations d'insectes présents dans le sol comme les taupins, et les cultures sensibles à ces derniers sont déconseillées derrière une prairie. Le ray-grass italien (RGI), à faible pérennité, est souvent utilisé dans des rotations avec du maïs-ensilage, voire en dérobée pendant l'hiver entre deux cultures de maïs.

Entretien des prairies.

Une part importante des prairies permanentes est située sur des parcelles que l'on ne peut retourner pour les mettre en culture : soit parce que les conditions de milieu (pente, inondabilité, pierrosité) empêchent le passage d'outils, soit en raison de leur mode d'exploitation (prés-vergers), ou encore du fait de contraintes de tenure foncière (imposées par le bailleur). L'entretien de la prairie porte alors sur la fertilisation et la lutte contre l'envahissement d'espèces de valeur alimentaire faible ou nulle (chardons).

Lorsque le retournement est possible, la première étape de l'implantation d'une nouvelle prairie comprend le choix des espèces qui composeront le couvert. Ce choix dépend des caractéristiques du sol et du climat (acidité, risques de sécheresse ou d'excès d'eau), mais également des besoins en termes de rapidité d'implantation, de vitesse de production au printemps, de pérennité, de productivité de la prairie, et des caractéristiques du reste du système fourrager. Comme pour les grandes cultures, les agriculteurs disposent pour semer les prairies de semences certifiées. Le semis, réalisé à une profondeur de 1 ou 2 cm, peut s'effectuer avec la technique traditionnelle (après travail du sol) ou par semis direct (sans labour, avec un semoir spécial et après passage d'un herbicide adapté). Le semis des prairies au printemps sous couvert d'une céréale, autrefois largement pratiqué, tend à disparaître. La date de semis est fonction de la place de la prairie dans la succession culturale, et de la sensibilité de l'espèce à semer aux différentes conditions de sol et de climat ; pour les espèces à implantation rapide, un semis de printemps peut permettre une exploitation dès l'automne.

La fertilisation azotée est un moyen de gestion important de la production des prairies permanentes et, surtout, temporaires. Si elle est inutile au moment de l'implantation, des apports réguliers sont en revanche nécessaires pour obtenir une croissance importante avant chaque coupe ou pâture. Les quantités d'engrais azoté à apporter dépendent du niveau de productivité recherché et de la présence ou non d'un apport d'amendement organique. Une fertilisation organique (déjections des animaux lors du pâturage, épandage des effluents animaux) est en effet généralement pratiquée sur prairie, dont il faut tenir compte pour le calcul des doses d'engrais minéraux. La fertilisation phosphopotassique est de l'ordre de 100 unités de P et 200 unités de K par hectare et par an, pour une prairie conduite de manière intensive (production supérieure à 10 t de matière sèche par an et par hectare). Enfin, un chaulage est fréquemment réalisé en terrain acide avant l'implantation d'une prairie artificielle.